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« Attention au retour de manivelle ! » prévient François ONDO EDOU.

« Attention au retour de manivelle ! » prévient François ONDO EDOU.

A quelques jours de la fin de l’opération de révision de la liste électorale, le pouvoir Bongo PDG ne cache même plus sa volonté de traficoter les prochaines élections. L’ancien parti unique  multiplie des initiatives, les unes aussi farfelues que les autres.

Dernière trouvaille, le déploiement sur les sites d’enrôlement d’une nouvelle catégorie de personnels, des démarcheurs très spéciaux. On les rencontre aux alentours des centres d’enrôlement. On les reconnaît à leur manière d’être et de se comporter. Volontiers accrocheurs, ils ont presque tous le profil de l’emploi: débonnaires, jeunes pour la plupart avec de petits sacs en bandoulière, si ce ne sont  des sacoches « banane » attachées à la hauteur de la ceinture; bleu jeans troués au niveau des genoux. Ils sont tous accrochés à leurs téléphones mobiles, histoire de montrer à leurs futurs clients qu’ils ont le « blé, le kolo » à foison. Ils font tout pour ressembler à ces très nombreux gamins de 18 ans et plus qui souhaitent s’inscrire sur les listes électorales et avoir ainsi la possibilité de participer au choix des futurs dirigeants de notre pays. Dès 7h, ils sont déjà à leur office et y  passent quasiment toute la journée. Ils sont chargés d’accrocher à leur passage  les jeunes qui viennent de s’inscrire sur les listes électorales à qui ils proposent l’achat des récépissés d’inscription à cinq ou dix mille francs. Quand le jeune est coopératif, l’affaire est conclue  en deux temps trois mouvements.

Une telle opération  pourrait paraître stupide. Mais l’argent qui est investi et l’ampleur de son étendue indiquent qu’il y a non seulement de gros intérêts, mais surtout beaucoup  d’implications sur les futures élections. Plusieurs objectifs sont dans la mire du pouvoir établi. Le premier  consiste à  récupérer, grâce  à ces récépissés,  les cartes d’électeurs des intéressés.   Le tour est joué. Munis de ces cartes d’électeurs, les tripatouilleurs   peuvent déjà  faire voter  d’autres personnes à la place de celles qui ont vendu leurs récépissés. Il ne reste plus qu’à confier ces cartes dont on peut facilement falsifier la photo avec un  scanner.sur n’importe quel ordinateur. Le jour du vote, il sera communiqué au  militant ou sympathisant du PDG chargé d’effectuer cette triste besogne, le mot de passe ou un signe de reconnaissance pour bénéficier de la bienveillance du pdgiste, président du bureau de vote.

Le deuxième objectif est d’empêcher le vote d’un grand nombre de citoyens, en majorité avides de changement ou à tout le moins  désorienter les vendeurs de récépissés. Même si ces derniers voulaient se raviser en tentant, la veille du vote, d’aller accomplir leur devoir citoyen. Grande sera leur surprise de constater, au moment de l’affichage des listes électorales, que leurs inscriptions n’ont pas été prises en compte. Sans récépissé d’inscription, ils ne peuvent faire aucune réclamation. En réalité, leurs noms sortiront sur la liste d’autres centres de vote très éloignés de leurs lieux de résidence. Prenons l’exemple  d’un  jeune d’Akanda qui a sollicité une inscription au centre de vote du premier campement. Son nom  se retrouvera sur la liste de Bikele, Ntoum ou d’Owendo. Impossible pour ce dernier d’accomplir son devoir de citoyen le jour du vote, parce que dupé par les démarcheurs du PDG. Des dizaines de milliers de Gabonais victimes de cette opération se retrouveront de fait, à cause de leur naïveté à la maison le jour du vote et n’auront pas la possibilité d’aller exprimer leur choix. Ils contribueront ainsi à gonfler le nombre d’abstentionnistes. Or, il a été démontré qu’une  forte abstention favorise le PDG. En 2018, du fait que Jean Ping, encouragé par les chevaux de Troie – ils viennent de rejoindre le PDG, leur maison mère – n’ait pas appelé les partisans du changement à se rendre aux urnes, très rares sont les bureaux de vote qui avaient enregistré 200 électeurs sur les 500 que compte en moyenne un bureau de vote. Le résultat est là : plus de 90% des sièges de députés sont revenus au PDG. Le pouvoir n’est donc pas disposé à changer une méthode qui lui permet de gagner. Bien au contraire, il entend améliorer la formule.

Mais 2023 n’est pas 2018. Ça gronde de partout. Les promesses de 2009 et 2016 n’ont pas connu un début d’exécution. Aucun logement n’a été construit en 5 ans alors qu’Ali Bongo promettait 5000 logements par an. La Baie des rois et la Marina n’ont jamais vu le jour. Elles ont plutôt accouché d’un gigantesque tas de sable qui se présente aux passants et aux automobilistes qui empruntent le boulevard du bord de mer. Zéro aéroport d’Andem, zéro autoroute de Ntoum, zéro émergence à 2 ans de 2025. Aujourd’hui, le Gabon est à un niveau plus bas qu’il ne l’était en 2009.  Aucun tripatouillage ne peut effacer cette vérité !

Têtus comme il n’est pas permis, les stratèges de l’ancien parti unique pensent qu’en  portant le débat sur le terrain très étroit de la communication de masse, ils peuvent convaincre les Gabonais. Comment ? Par la désinformation. Peine perdue !  Depuis qu’avec de piètres communicants ils essaient d’inonder les réseaux sociaux d’informations qui sont, en fait, des mensonges et des contrevérités, les Gabonais leur répondent  sur Facebook et WhatsApp que ce disque est rayé. Et comme si cela ne suffisait pas, ces communicateurs du dimanche cherchent encore les moyens  de manipuler l’opinion qui  n’attend plus qu’à sanctionner le pouvoir Bongo PDG à la prochaine élection présidentielle.

Il en est ainsi depuis 1993 !

Ali Bongo et tous ceux qui l’accompagnent  savent ce que  les Gabonais souhaitent. Et ce n’est pas par hasard qu’ils ont modifié les règles du jeu en année électorale quand ils sont revenus à des élections à un tour. En 2016, l’élection était bien à un tour. Jean Ping l’a emporté malgré toutes les petites magouilles. Aujourd’hui, beaucoup plus qu’en 2016,   le peuple, dans une très large majorité, souhaite l’alternance au  pouvoir. On comprend donc la hargne avec laquelle les communicants du dimanche déversent leur bile sur les leaders de la plateforme Alternance 2023, le dernier carré qui représente l’opposition véritable au système établi depuis 1967. L’un des derniers écrits en date est ce poste qui prête plutôt à sourire sur les réseaux sociaux. Le titre, à lui seul, suffît pour comprendre à quel point la cohésion qui règne au sein de la  plateforme Alternance 2023 trouble le sommeil de nos dirigeants. Qu’on en juge : Alexandre Barro Chambrier propose d’absorber REAGIR.

L’être humain ne peut prêter aux autres que ses propres idées. Quoi d’étonnant  de retrouver dans cette prose d’égouts des formules telles que la fusion absorption  bien chère à l’ancien parti unique et qui n’existe pas dans l’ADN de l’opposition gabonaise ? L’AJEV, Démocratie Nouvelle et quelques autres formations politiques sont passées par là. On n’a donc pas besoin d’être devin pour savoir qui est derrière.  Tout ceci montre à suffisance  que le pouvoir est au pied du mur et manque désormais d’assurance. Plutôt que d’essayer de tripatouiller, de forcer le destin, ceux qui se sont installés de force à la tête du pays doivent comprendre que les temps changent. Que ce groupe de Gabonais de 18 à 30 ans, plus nombreux que ceux des autres tranches d’âges, sont d’un autre genre.  Ils appartiennent à la génération Androïd. Celle qui surfe sur Tik Tok, Facebook et Instagram. Même si, en théorie, le peuple gabonais est réputé indolent et buveur de bière, ces jeunes finiront par prendre conscience que leur avenir est plus qu’incertain.  Tous ont suivi le dénouement de l’affaire du directeur général de la SEEG. Ils retiennent que le peuple a imposé sa volonté. Ils ont aussi compris que force ne reste pas à la loi inique que le pouvoir impose au citoyen, mais au peuple souverain. Par la magie des nouvelles technologies de la communication, ils ont d’autres codes et d’autres manières de penser. Ils sont en contact avec les jeunes du monde entier. Ils regardent les images du Sénégal et finiront par conclure qu’un peuple déterminé arrive toujours à bout de ses oppresseurs.  Cette prise de conscience sera d’autant plus rapide que le chômage les frappe de plein fouet.  Ils savent que le Gabon est l’un des pays les plus riches du continent, mais qu’en termes de développement il compte parmi les derniers.  Voilà une réalité que ne peut occulter la désinformation et les tripatouillages électoraux.

Il y aura bien un moment où nos enfants décideront de se libérer par eux-mêmes, parce qu’il n’y a  pas que des imbéciles parmi eux. Attention au retour de la manivelle !

François ONDO EDOU

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